Dans son ouvrage de 2010 ("Les images de l'eau dans le cinéma français des années 20", Presses Universitaires de Rennes), Eric Thouvenel interroge la profusion des images de la liquidité dans une période bien précise du cinéma français, mais tout en l'interprétant comme un symptôme du temps ; non seulement d'une époque trouble, postérieure a la Grande Guerre, mais du temps lui-même. En effet, au début du XXème siècle, le développement des technologies cinématographiques s'accompagne d'une redécouverte de l'ensemble de la réalité comme liquide, et ainsi d'une remise de la question du dynamisme, de la temporalité et du mouvement, au centre des thématisations dans tous les domaines.
Cette redécouverte opère dans le champ du social, de l'art, de la philosophie (notamment grâce a la pensée bergsonienne), et aussi de la science (avec la mécanique des fluides). On traverse ainsi un seuil.
On engage un changement de paradigme symbolique, tout comme si depuis le XXème siècle on avait quitté un modèle tellurien pour nous donner a l'immersion d'un modèle aquatique. Ceci justifie suffisamment la démarche de Thounevel, voulant analyser les images aquatiques dans la France des années 20, d'un regard lui-même fluide (p.16), mais ceci justifie aussi a nos yeux un décryptage et une systématisation du dit regard.Nous proposons ainsi de décomposer ce regard fluide, notamment dans l'œuvre de Thounevel et de Gilles Deleuze (dans "Cinéma 1, Image-mouvement " et "Cinéma 2, Image-temps", Éditions de Minuit), visant la plus grande simplicité schématique, et tenter de l'appliquer au cinéma de Philippe Garrel, comme cas d'étude.
L'œuvre de Garrel, se prêtant tout particulièrement a une analyse liquide, nous accordera ainsi, la convenance d'un exemple contemporain et la délimitation nécessaire a cette construction d'un cadre méthodologique pour les approches théoriques du cinéma a venir.DOI: http://dx.doi.org/10.4995/XXVColloqueAFUE.2016.3090